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Retranscription de l'émission A fleur de coeur : Daniel Balavoine
diffusée en hommage au chanteur le 5 juillet 1986 sur Antenne 2 - Page 4

 

Sur scène, "Mon fils, ma bataille".

Colombes.

D.B. : Je me suis mis, pour gagner ma vie, à faire des orchestres de bals. On faisait la partie rock de l'orchestre de bal avec trois copains. Et puis les quatre papys qu'il y avait avec nous faisaient les pasos doble et tous ces trucs là, les valses et les tangos.
Après, je crois que dans la vie, c'est un problème de choix, un problème d'ambition. Je ne dis pas d'ambition ou de richesse ou de quoi que ce soit, c'est l'ambition de ne pas s'ennuyer. C'est ce qui m'a toujours motivé le plus. Je me suis dit, quitte à faire de la musique, autant faire que de la musique rock, celle que j'aime. Donc on a quitté l'orchestre de bal.
C'est comme quelqu'un qui rentre scribouillard dans un banque. Il y en a qui le reste toute leur vie, ce qui n'est absolument pas blâmable d'ailleurs, et puis d'autres qui se disent, puisque je suis là, au lieu de m'emmerder, je vais essayer d'avancer un peu, d'avancer un peu.
Et puis, de là, j'ai fait des groupes de rock en province, puis des groupes de rock à Paris. Et puis, comme à l'époque les groupes de rock ce n'était pas franchement soutenu par la presse française, et bien, ma foi, on a été obligés d'abandonner en cours de route pour des raisons de vie, de pain, de viande, de bifteck. C'est clair.
Je me suis mis à mon compte. J'ai appris le métier pendant deux ans, dans les studios français, en observant les autres. Et puis après, c'est devenu ce que c'est devenu.

Biarritz.
Daniel tient dans ses mains (sortie du sac) une liasse de billet de Monopoly.


D.B. : Il y a un adage qu'on trouve ridicule qui dit que l'argent ne fait pas le bonheur. Je crois que c'est vrai.
Par contre, ce qu'il ne faut pas nier, c'est que je crois que l'argent est le plus bel anesthésique qu'il y est pour le malheur. Mais ça reste un anesthésique et c'est aléatoire. Je fais partie des privilégiés qui ont de l'argent à dépenser pour faire plaisir aux autres.

Interviewer : Et c'est pour ça que tu chantes ?.

D.B. : Non, c'est chanter qui m'a fait gagner de l'argent. C'est mon talent, con ! (avec l'accent marseillais) (rires).

Retour à Colombes.
Daniel a sorti du sac un panneau.
Il y est inscrit dessus "Voix sans issue".
Il rigole en regardant le panneau.


D.B. : Bon, je ne sais pas. Tu as vu les concerts, non ?. Tu es venu sur scène. Tu as vu les trucs en direct. Il n'y a pas de problèmes. Ca gêne le pantalon des mecs. Je ne sais pas pourquoi. C'est assez rigolo.
Ca voudrait dire qu'en fait, pour être bien reçu dans la musique rock en France, il faudrait de préférence chanter avec une vois rauque, si ce n'est une voix "rock". Et de préférence mal, si c'est possible, ça peut aider aussi. Un peu faux, ça ne gêne pas. De préférence, faire des poids et haltères régulièrement pour avoir l'air vrai. Et en plus, se mettre une tenue de Zorro avec une belle japonaise et avec des clous partout pour faire vrai, pour avoir le look, comme on dit.
Pauvre Elton John s'il avait fallu qu'il fasse tout ça au départ, pour qu'on le prenne au sérieux. Où est-ce que serait son talent aujourd'hui ?. Ca ne veut pas dire que je me prends pour Elton John mais faut arrêter tous ces trucs là.

Interviewer : "...sans issue" ça veut dire aussi que peut-être à 40 ans...

D.B. : Je serai muet !! (Rires). Peut-être qu'à 40 ans je vais faire ma mue !!. Non, non, à 40 ans j'aurai arrêté si c'est ça que tu veux savoir. Il y aura longtemps. J'espère que tout le blé dont on a parlé, j'en aurait tellement accumulé dans mes poches que je n'aurai plus besoin de ne rien foutre à ce moment là. C'est ceux à qui ça en a fait gagné entre temps qui le regretteront peut-être que je m'arrête, d'ailleurs.
Non, non, "...sans issue...", je n'en sais rien, je m'en fous.
Ce n'est pas à ça que je pense.
Ce que je suis content de faire en ce moment, c'est de parler avec toi. Ce que je ferai à 40 ans, je n'en ai rien à cirer. Ce n'est absolument pas mon problème. C'est la vie qui compte.
La seule vie dont on est sûr, c'est celle que l'on est entrain de vivre.

Concert. "Je ne suis pas un héros".

Biarritz.


D.B. : Il n'y a pas de raison que j'ai une angoisse vis à vis du public parce que, si jamais ça ne marche pas avec le public, j'ai le nom du coupable. Je n'ai pas à chercher, c'est moi. Quand ça ne marche pas avec les gens, c'est secoué, c'est secoué. C'est comme ça.

Colombes.

D.B. : Plus on touche un grand nombre de gens, plus on est populaire et c'est sain. C'est le métier que l'on fait. C'est comme ça et c'est bien. Evidemment, en France, ça a une connotation péjorative.
Le chanteur populaire, c'est celui qui fait des chansons pour le peuple, comme si c'était quelque chose de très laid.

Interviewer : Tu fais des chansons pour qui ?.

D.B. : Moi. D'abord, je fais des chansons pour moi. Je fais de la musique que j'aime, avec des gens que j'aime. Je ne pourrais pas faire cette musique d'ailleurs sans les gens que j'aime. C'est à dire les musiciens qui m'entourent, les techniciens, que ce soit en studio, Andy Scott. Tu le connais. Beaucoup de gens le connaissent. Ou Jo Hammer avec lequel on a parlé un peu aussi.
Et puis les autres musiciens : Christian Padovan, Alain Pewzner, Yves Chouard, Hervé Limeretz, Philippe Patron. Ce sont des gens qui sont indispensables à la musique que j'ai fait jusqu'à aujourd'hui.
Qui seront peut-être moins indispensables demain, mais qui, dans la période que j'ai vécue avec eux ont été des gens indispensables, qui ont participé à la création de ça. On le fait d'abord pour nous.
Mais il est bien évident que la condition sine quanum pour faire de la musique et continuer à en faire longtemps, c'est de la vendre. Parce que se regarder dans la glace le matin et chanter des chansons à soi, ça n'a rien d'intéressant. Et c'est là qu'est le véritable nombrilisme d'ailleurs. Le fait de s'ouvrir à l'extérieur et de vendre beaucoup de disques, le public ne nous laisse plus le temps de nous regarder dans la glace et c'est ça qui est intéressant.

Interviewer : Dis-moi, tu te souviens, un jour tu m'as dit que les textes, tu les écrivais assez vite ?.
Enfin, surtout que tu n'aimais pas passer beaucoup de temps sur les paroles. Ca veut dire quoi ?.
Elles ont moins d'importance que la musique ?.

D.B. : Non, je ne dis pas que les paroles n'ont aucune importance. Non, non, je ne dis pas ça sinon, je n'en mettrais pas. Je ne dis pas ça.
Elles ont de l'importance. Ce que je dis c'est que je ne me prend pas pour un poète et que ça c'est vachement important.
Ca veut dire que je n'ai pas l'ambition d'être quelqu'un. Je n'ai pas envie d'être Léo Ferré ou Jacques Brel. Je m'en fous complètement.
Ce qui m'intéresse dans les paroles, c'est de dire le plus clairement possible ce que j'ai envie de dire. Donc, je ne peux pas dire que ce n'est pas important, c'est indispensable. Mais de là à se gratter le ventre ou le creux de la tête pour faire bien, ça ne me passionne pas.

Enchaînement avec le concert et "Vendeurs de larmes".

Biarritz. Daniel ressort un poisson rouge du "sac à question" .

suite de l'émission (page 5)